Tables rondes plénières

Mardi 16 Novembre 13h30-14h45
Attitudes face à la science : passé et présent

Au cours de ce symposium, nous explorerons l’histoire et l’importance actuelle des études nationales portant sur les attitudes à l’égard de la science, dans un contexte international. La France, par l’intermédiaire de l’Université de Lorraine, vient de lancer la huitième d’une longue série de sondages nationaux examinant la représentation et la place de la science dans l’imaginaire national ; le premier de ces sondages remonte à 1972. Il existe également de longues séries de données similaires aux États Unis (années 80), au Royaume-Uni (1988) et à travers l’UE-15 (1992). Le fait que de telles données chronologiques sur les attitudes à l’égard de la science soient disponibles offre de nouvelles possibilités d’examen de l’image, des attitudes et de la confiance à l’égard de la science d’un point de vue historique. Le symposium s’intéressera aux questions suivantes :

  • 1) Quels contexte et motivation ont fait émerger la question « Comment le peuple considère-t-il la science » ?
  • 2) Pourquoi vouloir continuer à faire vivre cette question ?
  • 3) Quelles sont les observations clés qui ressortent de l’examen sur le long terme des attitudes à l’égard de la science ?
  • 4) Quelle importance joue le fait de cartographier la compréhension de la science par le public post Covid19 ?

Les intervenants se pencheront sur ces questions en s’appuyant sur leur longue expérience sur le sujet.

 

 

Martin W. Bauer, London School of Economics and Political Science (LSE), Royaume-Uni  (animateur) 

Martin W. Bauer a étudié la psychologie et l’histoire économique (Bern, Zurich, Londres) et est professeur en psychologie sociale (London School of Economics and Political Science). Il fut éditeur en chef de la revue Public Understanding of Science (2009-2016). Son domaine de recherche actuel est le « sens commun » dans une perspective comparative et en relation aux développements techno-scientifiques. Ses plus récents ouvrages incluent : (2015) Atom, Bytes & Genes – Public Resistance and Techno-Scientific Responses, NY, Routledge; (2019) The Cultural Authority of Science – Comparing across Europe, Asia, Africa and the Americas, London, Routledge.

Daniel Boy, Sciences Po Paris, France

Daniel Boy est Directeur de recherche au Centre d'Etude de la vie politique Française (Sciences Po). Depuis une vingtaine d'années il a exercé ses activités de recherche et d'enseignement dans trois domaines principaux : la sociologie électorale l'analyse des mouvements écologistes en Europe l'évolution des attitudes du public à l'égard du développement scientifique et technique. Il a élaboré pour le compte du Ministère de la Recherche plusieurs grandes enquêtes sur la perception du progrès scientifique et technique et tiré des conclusions de leurs analyses. Depuis quelques années il participe à un groupe de recherche européen sur les méthodes de délibération concernant les enjeux scientifiques et techniques. Dans ce cadre, il a contribué à l'organisation, en France, de plusieurs "Conférences de citoyens" OGM, nanotechnologies etc.

Michel Dubois, Gemass, unité CNRS/ Sorbonne Université, France

Michel Dubois est sociologue des sciences et des techniques, directeur de recherche CNRS. Il est actuellement directeur du Groupe d'Etude des Méthodes de l'Analyse Sociologique de la Sorbonne (CNRS - Sorbonne Université) et directeur de la Revue Française de Sociologie (Presses de SciencePo). Ses travaux les plus récents dans le domaine de l'étude des sciences concernent tout autant le développement de l'épigénétique environnementale pour l'étude des maladies neurodégénératives, les transformations des modes d'évaluations du travail scientifique, l'impact de la crise covid19 sur l'éthique de recherche et les attitudes de l'opinion publique à l'égard de la communauté scientifique.

Gordon Gauchat, University of Wisconsin-Milwaukee, Etats-Unis

Dr. Gordon Gauchat est professeur agrégé de sociologie à l'Université du Wisconsin-Milwaukee. Ses recherches portent sur les perceptions publiques de la science à l'intersection de la polarisation politique et culturelle aux États-Unis et en Europe. Il a publié des recherches dans American Sociological Review, Social Forces, Nature Climate Change, Climatic Change, Gender and Society et Public Understanding of Science. Il travaille actuellement sur son premier livre, Why People Deny Science, qui offrira une synthèse d'explications cognitives et culturelles de l'engagement du public avec les connaissances scientifiques. Ses intérêts s'étendent à des questions sociétales plus larges sur la relation entre la cognition humaine, le changement culturel rapide vers la diffusion des connaissances et la formation de l'identité politique. L'horizon de cette recherche est un modèle de sciences sociales qui aborde les «progrès» des technologies de l'information et ses effets sur la façon dont les êtres humains cartographient cognitivement leur monde.

Michael Arentoft, Commission Européenne, Belgique

Michael Arentoft est directeur adjoint de l'unité Open Science de la Commission Européenne, en charge des politiques d'ouverture du système de recherche : en interne, entre scientifiques et entre disciplines, et en externe, vers la société dans son ensemble. Il était auparavant directeur adjoint de la stratégie de Coopération Internationale en Recherche et Innovation et responsable de la politique de l'Union de l'Innovation. Avant cela, directeur par intérim de la Stratégie pour la R&I des Technologies de l'information et de la communication (TIC) et responsable de la coordination des technologies et infrastructures essentielles des TIC. Michael a eu un parcours professionnel chez Computer Resources International et chez Rovsing International. Sa formation est issue du programme de doctorat Computer and Information Science de l'Université de Pennsylvanie et du programme de maîtrise Electrical Engineering de la Technical University du Danemark.

Mercredi 17 Novembre 13h45-15h00
Communication scientifique et intelligence artificielle

 

La communication de la science de l’intelligence artificielle représente un défi. Une entente sur la définition de l’IA reste difficile à trouver, et les développements ont souffert de fausses aurores successives, entraînant ainsi des hivers de l’IA. La science-fiction, continuellement en avance sur l’IA, délimite inéluctablement les attentes, de sorte que la capacité de l’IA à surexciter aussi bien que terrifier fait obstacle à une communication sobre. La réflexivité est essentielle. Premièrement, l’IA elle-même façonne de plus en plus le message et le public, dans toutes les formes de communication. Deuxièmement, les scientifiques recrutent systématiquement des collaborateurs en IA pour accélérer la collecte et l'analyse des données. Aujourd'hui, les systèmes de prise de décisions artificiels sont tout autour de nous ; certains sous la forme de robots, d'autres imperceptibles au sein des mondes numériques.

Notre table ronde présente cinq façons différentes de réfléchir à l'IA : comment la technologie est imaginée ; comment nous pouvons entrer en relation avec les agents intelligents en tant qu'entités juridiques ; comment nous vivons la présence de robots physiques parmi nous ; comment nous interagissons avec les robots intelligents ; et enfin comment les médias représentent l'IA. La coexistence de ces différentes facettes de l'IA, certaines cachées et d'autres évidentes, nous met face au défi de savoir comment discuter de la science de l'IA quand le terme suscite des attentes aussi diverses quant à la détermination des questions clés.

Nous savons tous ce que cela fait de voir « l'ordinateur dire "non" ». Les tentatives visant à rendre le monde plus facilement interprétable par l'IA soulèvent des problématiques complexes sur le sujet du lieu où réside le pouvoir, dans le monde « réel » ou « numérique », et sur les relations entre ces univers jumeaux. Et tout cela sans parler de l'IA super-intelligente, de la singularité ou encore de l'éthique des systèmes d'armes autonomes : autant de défis à relever pour les communicants scientifiques.

 

 

Chris J.Tennant, University college London, Grande Bretagne (Animateur)

Dr Chris Tennant est basé au département d'études scientifiques et technologiques de l'UCL et fait des recherches sur l'introduction de nouvelles technologies dans la société sur le Driverless Futures? project financé par l'ESRC project. Il a travaillé pendant 25 ans dans le secteur des services financiers à Londres avant de passer un doctorat à la LSE. Il continue d'être chercheur invité au département des sciences psychologiques et comportementales de la LSE. Ses recherches portent sur l'interaction entre les valeurs morales et l'explication rationnelle, la représentation médiatique de la science contestée, la confiance et la responsabilité.

Mikihito Tanaka, Faculty of Political Science and Economics, Japon

Mikihito Tanaka est professeur à la Graduate School of Political Science, Waseda University, Japon. Il a obtenu son doctorat en sciences de la vie à l'Université de Tokyo, et possède plus de 10 ans d'expérience en tant que journaliste. Actuellement, il mène des recherches liées aux enjeux entre science et société, communication des risques et journalisme scientifique sur les médias de masse / sociaux, en utilisant une méthode à la fois qualitative (ethnographie, analyse du discours critique) et quantitative (analyse de contenu, analyse des réseaux sociaux, traitement du langage naturel). Il est membre fondateur et directeur de recherche du Science Media Center of Japan (SMCJ).

Philippe Fauquet-Alekhine, INTRA robotics, Avoine, France / SEBE-Lab de la London School of Economics & Political Science, Grande Bretagne

Philippe Fauquet-Alekhine est directeur scientifique chez INTRA robotics, en charge de projets internationaux portant sur la formation et la performance des pilotes en situation opérationnelle, ex Chargé de Mission pour le développement innovant en professionnalisation opérationnelle et Consultant Facteurs Humains à la centrale nucléaire de Chinon (Electricité de France). Il est membre du Laboratoire de Recherche pour les Sciences de l’Energie (France & Allemagne, Site Web : www.hayka-kultura.org) et du SEBE-Lab - London School of Economics & Political Science (UK, Site Web : www.SEBE-Lab.net). Docteur en sciences physiques (Université Pierre & Marie Curie, Paris, France), psychologue du travail (MSc du Conservatoire National des Arts & Métiers, Paris, France), docteur en psychologie comportementale (PhD, London School of Economics & Political Science, UK), Philippe Fauquet-Alekhine est l’auteur de dizaines d’articles scientifiques et d’ouvrages traitant de physique, psychologie, socio-psychologie, psycholinguistique et cognition. Il possède plus de 20 ans d’expérience dans l’analyse des activités professionnelles et la recherche appliquée à la performance humaine dans les industries à haut risque, avec un accent particulier sur l’effet de la formation par simulation et le stress sur la performance. Il étudie l’aérospatiale, l’aéronautique (civile et militaire), la marine, l’industrie nucléaire, la robotique en milieu hostile, et la médecine. Il a reçu plusieurs prix principalement liés à son travail sur le stress au travail. Le dernier livre de Philippe Fauquet-Alekhine est : Knowledge Management in High-Risk Industries - Coping with Skills Drain (2020) Palgrave Macmillan, Londres, Royaume-Uni.

  La communication scientifique sur l'intelligence artificielle : la question du statut social du biodroïde

L'objectif de la « communication » est de transmettre un message d'un émetteur à un récepteur selon différents modes d'expression (orale, écrite, visuelle... ; explicite ou implicite). Pour les humains, il s'agit généralement d'exprimer une pensée, qui est une construction issue de représentations intellectuelles générées par l'association de perceptions sensorielles imaginaires ou réelles et de représentations mentales (Meyer, 2001), que nous appellerons « éléments sources » par souci de simplicité. En fonction des caractéristiques de ces éléments sources et des émotions associées de la personne, certaines pensées sont davantage exprimées que d'autres ou exprimées avant d'autres. En d'autres termes, certaines pensées sont priorisées ou classées devant d'autres, notamment selon les besoins et les préoccupations de la personne. Les informations ainsi transmises par la communication dépendent de ces priorités. La communication scientifique, en tant qu'expression globale d'une communauté scientifique, et donc d'un ensemble de personnes, suit ce même processus : plus le sujet est perçu comme prioritaire, plus son expression est saillante dans la communication scientifique. Par exemple, l'explosion du nombre d'articles scientifiques portant sur la Covid-19 en 2020 illustre ce processus de priorisation au niveau de la communauté scientifique (de quelques centaines à plus de 200 000 en 1 an ; Else, 2020). Si l'on effectue une recherche sur Google Scholar à l’aide des termes anglais « artificial intelligence » (intelligence artificielle) et « ethics » (éthique), on constate une hausse de plus de 65 % du nombre de publications entre 2010 et 2019, atteignant plus de 60 000 articles, ce qui place le sujet « intelligence artificielle » et « éthique » parmi les sujets les plus abordés par la communauté scientifique dans le domaine de l'intelligence artificielle, parmi lesquels figurent l'« apprentissage automatique et le raisonnement probabiliste », les « réseaux neutres » ou la « vision par ordinateur » (Elzevier, 2019). La question de l'éthique dans le domaine de l'intelligence artificielle est donc une préoccupation pour les personnes qui composent la communauté scientifique. Cependant, les rapports traitant de cette problématique au niveau de la Commission européenne semblent indiquer que la communauté scientifique est davantage préoccupée par l'impact de l'intelligence artificielle sur l'humain que par le contraire. L'impact de l'intelligence artificielle sur l'humain concerne les droits de l'homme et son bien-être ; le contraire, lui, concernerait l'impact des humains sur les entités dotées d'une intelligence artificielle, comme les « biodroïdes », êtres ou objets associant des composants mécatroniques et biotechnologiques participant à son fonctionnement, dotés d'une intelligence artificielle qui leur offre une réflexion autonome et une conscience de soi. Il s'agirait donc de s'intéresser aux droits du robot et à son bien être. Pour 2019, sur Google Scholar, les mots-clés « artificial intelligence », « ethics » et « human rights » (droits de l'homme) donnent accès à 12 % des 60 000 articles susmentionnés, contre 0,4 % si l'on remplace « human rights » par « robot rights » (droits du robot). Néanmoins, de nombreux scientifiques, notamment dans les disciplines des sciences humaines, se questionnent sur le statut social des biodroïdes. En qualité de directeur scientifique d'un laboratoire robotique d'intervention opérationnelle, je peux aujourd'hui affirmer qu'au sein de la communauté industrielle, et même au sein de la communauté d'ingénieurs robotiques axés sur la technique, ce type de préoccupations se classe loin derrière d'autres problématiques (telles que la perte de transmission de la commande d'un robot ou la réduction du poids des batteries des robots ou drones pour augmenter l'élongation de vol ou la capacité de chargement). Il est même probable que pour une grande partie de cette communauté, la question éthique du statut social du biodroïde ne soit même pas un sujet de réflexion. Le problème est que, d'une part, les communautés préoccupées par l'éthique du statut du biodroïde ne correspondent pas aux concepteurs / développeurs de biodroïdes, et d'autre part, les communautés susceptibles de développer ces biodroïdes semblent éloignées des premières. Le risque est donc que les communautés préoccupées par la question de l'éthique créent une déontologie qui soit déconnectée, voire incompatible avec ce qu'ont développé les communautés de concepteurs / développeurs. Par conséquent, il paraît important de sensibiliser à la question du statut social du biodroïde doté d'une intelligence artificielle et d'une réflexion autonome, par le biais d'une communication scientifique interdisciplinaire, ainsi que d'une communication publique. Else, H. (2020). How a torrent of COVID science changed research publishing-in seven charts. Nature, 553-553. Elzevier. (2019). How Knowledge is Created, Transferred, and Used: Trends in China, Europe, and the United States. Elsevier website: https://www.elsevier.com/research-intelligence/resource-library/ai-report Meyer, C. (2001). Les représentations mentales. Entre « res » et « flatus vocis ». Communication Information médias théories pratiques, 21(1), 9-31.

Alain Pottage, Sciences Po Paris, France

BIO A VENIR

Marc Schoenauer, INRIA, France

Marc Schoenauer est directeur de recherche INRIA depuis 2001 après 20 ans au CNRS, au CMAP de l'Ecole Polytechnique. Il a fondé l'équipe TAO à l'INRIA Saclay avec Michèle Sebag en 2003. Il a travaillé à la frontière entre optimisation "stochastique" et apprentissage automatique, auteur de plus de 150 articles, (co-)directeur de 35 thèses doctorantes. Il a été Président de l'ACM-SIGEVO (2015-2019), président fondateur (1995-2002) d'Évolution Artificielle, et président de l'AFIA (2002-2004). Il a été rédacteur en chef de Evolutionary Computation Journal (2002-2009) et est actuellement rédacteur en chef de JMLR. Il a secondé Cédric Villani dans la rédaction du rapport sur la stratégie IA en France et en Europe, remis au Président Macron en mars 2018.

Ahmet Suerdem, Université Bilgi d’Istanbul, Turquie

Ahmet Suerdem, PhD, est professeur en gestion à l’Université Bilgi d’Istanbul. Il est également professeur invité au Département des Sciences de la Psychologie et du Comportement de la London School of Economics and Political Science (LSE). Il a obtenu son doctorat en Sciences de l’Education – Analyse Institutionnelle à l’Université de Paris 8. Il a effectué un post-doctorat au département d’Anthropologie Sociale de Paris 5, et a été chercheur invité aux départements Marketing de l’UCLA et de l’UCI. Il a été impliqué dans de nombreux projets nationaux et internationaux en tant que chercheur et directeur. Ses domaines d’expertise incluent la science dans la société, la culture scientifique, la compréhension du public envers les sciences, la fouille de données et de textes, l’analyse multivariée statistique, l’analyse des réseaux sociaux, l’analyse de contenus. Ses méthodes de recherche sont à la fois quantitatives et qualitatives, et combinent la culture de la consommation et les aspects sociaux de la conception du système. Il est utilisateur expert dans de nombreux logiciels d’analyse de données statistiques et qualitatives, et d’outils de code et d’analyse tels que R, Python et KNIME.

Jeudi 18 Novembre 13h45-15h00
Journalisme scientifique en crise

Si tous les acteurs s’accordent pour dire que le journalisme scientifique est en crise, tenter d’arriver à un consensus sur les facteurs qui ont provoqué une telle situation – ou l’entretiennent – tout comme les conséquences qu’elle entraîne s’avère beaucoup plus difficile. Les débats sont vifs entre les journalistes eux-mêmes, forcés de jongler au quotidien avec les contradictions inhérentes à une telle situation puisqu’ils y sont au premier chef confrontés. Mais les discussions sont tout autant animées entre les chercheurs qui étudient l’évolution de la presse et des magazines scientifiques, ces observateurs opérant souvent à partir de postures théoriques différentes, comme le sont aussi les conversations entre chercheurs et journalistes. Cette plénière réunit deux journalistes et deux chercheurs dans le but d’échanger tant sur leur positionnement respectif que sur la compréhension que chacun a de cette crise. Sans présumer des arguments qu’ils développeront, on peut néanmoins rappeler pêle-mêle quelques motifs fréquemment avancés par les acteurs et les chercheurs :

  • L’irruption du numérique a bouleversé le paysage médiatique, particulièrement le monde et le marché de la presse et des magazines imprimés.
  • De nouveaux acteurs, issus de tous horizons : professionnels du journalisme scientifique, amateurs et profanes, interviennent désormais régulièrement sur Internet, ce qui brouille les repères, télescope les référentiels, et réordonne les registres de légitimité, d’autorité, et de réputation.
  • La prégnance des médias sociaux démultiplie la portée des fausses informations et des rumeurs puisqu’elles coexistent avec les informations validées par les médias établis sans que l’internaute ne puisse nécessairement les dissocier ni évaluer la fiabilité des sources.
  • Dans la société de communication généralisée où prolifère l’information, contrairement à la promesse de transparence, l’intensification des possibilités d’information sur la réalité conduit à son obscurcissement et abstraction.
  • Les services de relations publiques, maintenant déployés dans presque toutes les organisations d’importance – corporations, universités, administrations publiques, etc. – élaborent des politiques et des stratégies de communication. Il en résulte une uniformisation des messages scientifiques, réalisés et mis en circulation dans une logique de commercialisation et d’intensification du discours scientifique promotionnel. Cette poussée érode la vision d’une recherche scientifique d’intérêt public et contribue à une possible réduction de la liberté de parole des scientifiques.
  • Le mouvement de concentration des médias s’accompagne souvent d’une réduction de personnel, fréquemment au détriment des journalistes scientifiques spécialisés. De plus, conjugué à une intégration des plateformes, il contribue à gommer l’indépendance des journalistes en estompant la distinction entre information et communication.
  • Etc.

Ces quelques éléments disparates de discours, rappelés succinctement, montrent qu’il ne s’agit pas d’une simple convulsion conjoncturelle, mais que la crise actuelle du journalisme scientifique est structurelle.

 

 

 

Bernard Schiele, Université du Québec à Montréal, Canada (Animateur)

Bernard Schiele, PhD, est professeur à la Faculté des communications de l'UQAM. Il enseigne fréquemment en Amérique du Nord, Europe et Asie. Il travaille depuis plusieurs années sur la sociodiffusion des sciences et des technologies. Il est membre de plusieurs comités nationaux et internationaux, et est fréquemment consulté par divers organismes et paliers de gouvernement sur les questions de culture scientifique. Présentement, il coéditeur en chef de la Culture of science (NAIS). Il est aussi un membre fondateur et un membre du comité scientifique du réseau PCST. De 2006 à 2009, il a présidé le Comité scientifique du musée de science de Pékin (New China Science and Technology Museum) ouvert en 2009 ; en 2011 et 2012, il a présidé le comité scientifique des Journées Hubert Curien (Nancy 2012), et en 2013-214, il a été membre du comité d'experts réuni par Conseil Canadien des Académies pour dresser un état des lieux de la culture scientifique au Canada (Science Culture: Where Canada Stands 2014). Il a fait paraître récemment comme coéditeurr At the human scale: International practices in science communication (Beijing University Press, 2006); Communicating science in social contexts: New models, new practices (Springer, 2008); Science communication in the world: Practices, theories and trends (Springer, 2012); Science communication today: International perspectives, issues and strategies (CNRS, 2013); et Les Musées et leurs publics: Savoirs et enjeux (PUQ, 2014); avec Joëlle Le Marec and Patrick Baranger il a coédité Science Communication Today – 2015, and a coédité avec Joëlle Le Marec une plaquette Cultures of Science (ACFAS, 2018), and récemment avec Joëlle Le Marec et Jason Luckerhoff Musées, Mutations… (OCIM 2019).

Jean-François Cliche, Journal le Soleil, Québec, Canada

Jean-François Cliche est journaliste pour le quotidien Le Soleil, où il couvre la science depuis 2007. Il signe également des chroniques dans le magazine Québec Science et à la radio publique canadienne.

Katharina Niemeyer, Université du Québec, Canada

Théoricienne des médias, Katharina Niemeyer est professeure à l’École des médias à l’Université du Québec à Montréal et directrice du Centre de recherche Cultures-Arts-Sociétés à l’UQAM. Formée en sciences de la culture et philosophie des médias (Bauhaus-Universität Weimar, Allemagne) ainsi qu’en sciences de la communication (Université de Lyon et Université de Genève), ses travaux portent sur les rapports entre médias et technologies (numériques), mémoire et histoire. Elle a publié des articles et livres en lien avec la médiatisation d’événements historiques tels que le 11 Septembre 2001, mais aussi sur le journalisme d’empathie. Début 2021 elle a codirigé l’ouvrage Nostalgies contemporaines : médias, cultures et technologies (Presses universitaires du Septentrion. https://kniemeyer.net

Yves Sciama, AJSPI, France

Yves Sciama est journaliste scientifique indépendant avec une double formation en biologie et en journalisme, spécialisé en environnement et science du vivant. Il a publié dans "Science et Vie", "Le Monde" et d'autres titres francophones importants, ainsi que dans "Science" en anglais. Il enseigne et donne des conférences, il a également écrit un documentaire, plusieurs livres, et a participé à des projets numériques. Son travail a été récompensé par plusieurs prix, notamment un "fellowship" d'un an au MIT en 2014. Actuellement vice-président de l'AJSPI, l'association des journalistes scientifiques français, Yves Sciama a été élu au bureau de la Fédération Européenne pour le Journalisme Scientifique (EFSJ).

Luisa Massarani, Maison&Fondation de Oswaldo Cruz, Brésil

Luisa Massarani est une chercheuse et praticienne brésilienne en communication scientifique. Elle est coordinatrice de l’Institut National de Communication Publique des Sciences du Brésil, et du Master de Communication Scientifique à l’Institut Oswaldo Cruz/Fiocruz. Elle coordonne également la section Amérique latine de SciDev.net (www.scidev.net). Luisa Massarani a été récompensée par le Mercosur Award for Science and Technology (2014), le Brazilian Award for Science Communication (2016), et le Literature Jabuti Award (2017).

Vendredi 19 Novembre 11h15-12h30
La communication scientifique : quels bénéfices pour les chercheurs et les médiateurs ?

Baudouin Jurdant a été un des premiers chercheurs à inverser le questionnement sur le sens de la vulgarisation scientifique, pour l'adresser aux chercheurs : quel rôle joue la vulgarisation dans la science elle-même, c'est à dire dans le milieu scientifique ? On continue cependant de penser un spectre de pratiques (vulgarisation, diffusion, communication scientifique, médiation) à partir d'un modèle de transmission de quelque chose (des informations, des savoirs, des représentations, des productions culturelles, etc.) qui émane de la "communauté scientifique" en direction d'un public posé comme extérieur, avec l'idée que cette transmission aura plusieurs types de retombées positives, même si celles-ci sont souvent contradictoires par exemple la qualité des débat sur des questions politiques ayant de fortes dimensions scientifiques, et l'adhésion à la science comme projet collectif. Elle est également supposée entretenir le sentiment de la responsabilité sociale générale chez les chercheurs, qui peut pourtant se confondre avec des formes de loyauté managériale à l'institution qui organise la communication scientifique à des fins stratégiques. Les travaux menés dans différentes régions du monde (notamment en Chine, ceux de Ren Fujun, en Corée ceux de Hak-Soo Kim) traitent ainsi de ces multiples intérêts. Dans notre table ronde, nous nous interrogerons sur le périmètre des "communautés" (épistémiques, politiques, culturelles) auxquelles appartiennent chercheurs et médiateurs lorsqu'ils sont impliqués dans des communications sociales à propos de sciences : que veut-on faire, avec qui, pour qui ? Ces questionnements ont inspiré la contextualisation politique de la communication à propos de sciences par Bernard Schiele.

L'auto-critique des sciences comme pratique culturelle et politique incarnée par Jean-Marc Levy-Leblond, le tournant ontologique face au désastre environnemental et climatique et la reconnaissance de la dette à l'égard de multiples formes de savoirs invisibilisés par les sciences, l'attention aux vulnérabilités et aux dépendances revendiquée par Mélodie Faury, l'attention à l'expérience développée par Lionel Maillot, interviennent dans une reconnaissance assumée des ouvertures hors des modèles communicationnels optimistes, routiniers, aveugles aux contradictions. Les jeunes chercheurs et chercheuses et les jeunes professionnels de la médiation qui vivent des conditions de précarité croissantes dans la plupart des pays du monde assument explicitement un lien entre pratique de recherche et vulnérabilités multiples, et ces expériences transforment ce que l'on veut partager à propos des frontières, centres et marges des lieux de production des savoirs. Ces éléments interviennent dans les pratiques de médiation. Les situations de communication, par les formes d’implication qui ont mobilisé des chercheurs et des acteurs très nombreux, ont sans doute contribué à mettre l’accent sur ce qui, dans les rapports à la science, relevait précisément de ce qui échappe à des récits surplombants de normes et de maîtrise.

Analyse des modèles de la communication, partage des expériences vécues dans des contextes variés de communication à propos de sciences, dissociation de la question des savoirs de celle des sciences : nous tenterons dans notre table ronde de raccorder des formes de réflexion critique et impliquée dans les sciences.

 

 

Joëlle Le Marec, Sorbonne Université, France (animatrice)

Joëlle Le Marec est professeure au CELSA (Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l’Information et de la Communication), Sorbonne Université, elle dirige l'unité de recherche GRIPIC (EA 1498). Ses recherches portent sur les rapports entre sciences et société, sur la condition de public, et sur les cultures de l’enquête. Elle collabore également à de nombreux réseaux de coopération entre recherche, associations et institutions, en particulier pour la coopération entre bibliothèques, les musées et la recherche. Elle anime également un réseau international sur les savoirs de la précarité. Auparavant, elle a été professeure à l’Université Denis Diderot et professeure à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, où elle a créé et dirigé l’équipe « Culture Communication et Société ». Elle a piloté le comité scientifique de Science & You en 2015. Quelques publications : Joëlle Le Marec, Hester Du Plessis, Savoirs de la précarité - Knowledge from precarity, Editions des Archives Contemporaines, 2020. Joëlle Le Marec, Ewa Maczek (dir.), Musées et recherche - le souci du public, OCIM université de Bourgogne, coll. « Les dossiers de l'OCIM », 2020. Joëlle Le Marec, François Ribac (dirs.) Dossier thématique : « Savoirs de la musique, études des sciences, résonances » Revue d'Anthropologie des Connaissances (Vol. 13, N°3), 2019. Joëlle Le Marec, (dir.) « Le style de la science » Revue de la BNF n°58, 2019. Ouvrage collectif : Le métier à penser - Tisser des textes avec Baudouin Jurdant, Mélodie Faury et Joëlle Le Marec (dirs.), Éditions des archives contemporaines, Paris, 2020.

Mélodie Faury, Université de Strasbourg, France

Docteure en sciences de l’information et de la communication dans le champ des études de sciences, Mélodie Faury enseigne en tant que PRAG (professeure agrégée des universités) les sciences-sociétés et les sciences ouvertes. Elle travaille sur les pratiques de communication dans les pratiques de recherche, les pratiques de vulgarisation, les savoirs situés, la narration et les expérimentations épistémologiques. Chargée de mission auprès de la vice-présidence « Culture, sciences-société et actions solidaires », elle développe les sciences et recherches participatives à l’Université de Strasbourg.

 Quelles voix pour les sciences ? Présences, traverses et effacements en communication scientifique

En quoi le dispositif de médiation définit-il ce qui peut être dit ou non ? Que disent les actrices et acteurs de la communication scientifique quand elles et ils parlent ? Peuvent-ils porter leur voix propre (Gilligan, 1982), et si non de quelles voix sont-ils les incarnations ? Peuvent-ils par exemple se positionner à partir d’un vécu de la recherche ou du contact à la recherche ? Ou au contraire s’effacent-ils pour parler « au nom de la Science ? De quelles sciences parle la médiation et quels sont les aspects qu’elle gomme ? A quelles conditions la communication scientifique peut-elle être source de réflexivité ? Les médiations science-société contribuent notamment à la mise en circulation des savoirs, à la construction d’une certaine image de la science et à l’ouverture d’espaces de prise de parole et d’échanges entre les acteurs de la recherche et la société civile. Ces formes de communications orales ou écrites permettent d’établir une diversité de relations avec des publics auxquels elles s’adressent, et peuvent ouvrir l’espace d’un moment réflexif, permettant potentiellement aux actrices et acteurs de la communication scientifique de se rendre présents dans la situation de médiation, d’activer explicitement leur rapport aux sciences et de faire importer leurs attachements à des pratiques, dans la relation avec des publics. Si les acteurs de la médiation scientifique sont habitués et formés à la prise en compte des publics, en situation de communication, ils s’oublient le plus souvent eux-mêmes comme partie prenante de la situation, non neutre, ayant un effet direct sur la situation par leur intervention, par leur manière d’être. Ainsi les intérêts, enjeux, idéologies et alliances du locuteur ou de la locutrice sont rarement interrogés, alors qu’ils fondent le discours et plus encore la relation du médiateur à ses publics. Georgio Agamben (2014) donne une définition du dispositif (voir aussi les travaux de Foucault, 1971 ; 1975) qui nous permet de regarder plus précisément ce qui se joue dans la médiation scientifique : « tout ce qui a, d’une manière ou une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants ». Ainsi, un dispositif de médiation ne permet pas de se comporter librement, ni de dire tout ce qui pourrait être dit au sujet des sciences, et conforme souvent les médiateurs à ce que l’on attend de leurs gestes, de leurs conduites, de leur discours, au bénéfice de la Science et des institutions (laboratoires, universités, etc.) qu’ils représentent. Le dispositif ne permet pas à leur voix propre de se déployer : il n’est tout simplement pas construit pour cela. Il s’insère dans un tissu de normes et de valeurs implicites, tant dans la manière de concevoir la médiation des sciences que la science telle qu’elle devrait être et telle qu’elle devrait être représentée. Les médiateurs et les chercheurs construisent leur narration et leur identité discursive par adhésion à ces normes et valeurs, ou au contraire en contrepoint quand le dispositif de médiation est construit pour accueillir un discours critique. Le dispositif conditionne ainsi la manière dont les acteurs qui y participent vont considérer ce qui compte et dont ils vont y prendre la parole. Comprendre les dispositifs de médiation dans lesquels nous sommes pris nous permettrait-il d’activer d’autres formes de communication, d’autres relations et d’autres récits à partir et avec les sciences ? A ce stade, je peux reformuler mes interrogations : comment peut-on prendre la parole dans ce dispositif ? Au nom de quoi les doctorant.es parlent-iels ? Quelles voix sont portées ? De quels sujets connaissants s’agit-il ? De quoi fait-iels la narration ? De quelles sciences parlent-iels ? Quelles sciences donnent-on à se représenter via un tel dispositif ? [[Comment partager les sciences]] Qui parle ? QUelle relation ? penser la médiation en termes de présence et de relation - dépasser le modèle diffusionniste Parler la science < [[Parler la science - lecture]] Baudouin Jurdant choisit d’interroger la vulgarisation comme une manière de parler la science. Non par de parler « au nom de la science », mais de réintégrer un regard propre, une perspective particulière, pour réparer un escamotage de l’énonciation et un déficit de réflexivité propre à l’écriture scientifique et à la prétention objective. S’agit-il de cette oralité primaire, d’une parole sans père ou au contraire d’un lieu possible d’émergence ou de renaissance du sujet parlant, qui amorce le sujet réflexif, critique et politique ?

Hak-Soo Kim, The Korean Academy of Science and Technology, Corée

Hak-Soo Kim (doctorat en communication de l'Université de Washington, Seattle, États-Unis) est un éminant professeur du College of Transdisciplinary Studies, DGIST à Daegu et professeur émérite de communication à l'Université Sogang de Séoul, Corée du Sud. Il est membre de l’International Communication Association (ICA) et de la Korean Academy of Science & Technology (KAST). Il a été le fondateur et le premier président du Comité spécial sur la communication SHARE (Science, Santé, Agriculture, Risque et Environnement), Association des académies et sociétés des sciences en Asie (AASSA), l'aile asiatique de l'IAP (InterAcademy Partnership). Il a été un pionnier international de la construction de théories sur la communication scientifique et la résolution de problèmes communautaires.

  « Oui, et alors ? » : une question de la communication scientifique bénéfique pour les chercheurs

Nous, les chercheurs, ne pouvons nous empêcher de poser la question : « Oui, et alors ? » concernant le produit de nos recherches. Sans cela, nos confrères ou le grand public sont susceptibles de la poser une fois le produit de nos recherches rendu public. Cette question nous pousse à réfléchir à comment (ou dans quelle mesure) la recherche pourrait contribuer à résoudre des mystères (quelles sont les « causes » après les faits ?) ou des problèmes (quels sont les « effets » requis avant les faits ?). Nos confrères (chercheurs scientifiques) pourraient se concentrer principalement sur la première partie de la question, tandis que le grand public (profane) est plus susceptible de se focaliser sur la seconde, c'est-à-dire la résolution de problèmes. Ainsi, si nous devons communiquer au sujet de la recherche ou de la science auprès du grand public, nous devrions pouvoir répondre à la question « Oui, et alors ? » en termes de résolution de problèmes, et non simplement en termes de résolution de mystères. Autrement, la communication scientifique publique a peu de chances de susciter l'intérêt du grand public (Kim, 2007). En l'état actuel des choses, nous, les chercheurs, sommes plus susceptibles de prêter attention à un problème situationnel qu'au problème comportemental. Ce dernier correspond au problème du « comment » pour résoudre le problème situationnel. Si l'on ne résout pas le problème comportemental (Carter, 2021 : architecture comportementale), le problème situationnel pourrait ne pas être résolu. À voir les problèmes actuels du monde, c'est bien trop souvent le cas. Nous avons tendance à négliger le problème comportemental, nous contentant souvent d’avoir recours aux moyens disponibles (ex. : habitudes, rituels et normes, et notamment pratiques de communication), car il nous manque les principes du processus comportemental essentiels pour concevoir de nouvelles solutions pertinentes pour le grand public. Pour résoudre le problème comportemental, il faut concevoir des technologies procédurales et des outils. C'est la priorité avant d'inventer tout nouvel outil pour résoudre un problème situationnel du public. Tout part d'une chorégraphie de l'observation (ex. : conception) et de la mise en mouvement (ex. : performance), un travail dont on sait qu'il rendra la recherche laborieuse, mais plus solide et, à terme, plus joyeuse. Cette chorégraphie engage les chercheurs dans une construction raisonnée avec l'art, la science et les sciences humaines, comme l'illustrait Pasteur (Kim, 2020). Le problème comportemental est toujours présent, car une technologie d'outil requiert également une technologie procédurale pour pouvoir être utilisée. Nous admirons les chercheurs et les ingénieurs qui ont mis au point une solution innovante à un problème situationnel particulier. Ils sont souvent qualifiés de véritables talents ou génies nés (ex. : Edison, Pasteur). Or, ils doivent en réalité avoir fourni de nombreux efforts (« essais ») pour mettre au point une technologie procédurale efficace permettant de produire l'innovation. Malheureusement, nous, les chercheurs, sommes par ailleurs davantage préoccupés par le produit tangible ou observable que par la technologie procédurale qui le précède, c'est-à-dire la résolution du problème comportemental. Nous, les chercheurs, devrions apprécier la chorégraphie du développement de technologies procédurales. Sans cela, nous ne pouvons inventer une technologie procédurale innovante en tant que pré-solution au problème situationnel pour résoudre les problèmes qui préoccuperaient davantage le grand public. Ainsi, la question « Oui, et alors ? » est bénéfique pour les chercheurs, puisqu'elle nous pousse à développer une technologie procédurale pour optimiser la résolution des problèmes et, à terme, produire une meilleure solution au problème situationnel. Carter, R. F. (2021). Behavioral foundations of effective problem solving. Consulté le 29 août sur http://bfeps.org Kim, H.-S. (2007). PEP/IS : A new model for communicative effectiveness of science. Science Communication, 28(3), 287-313. doi : 10.1177/1075547006298645 Kim, H.-S. (2020). Realizing interdisciplinarity among science, humanism, and art: A new paradigmatic explication of community problem solving. Asian Communication Research, 17(3), 20-54. doi : 10.20879/acr.2020.17.3.20

Jean-Marc Lévy-Leblond, Université Côte d'Azur, France

Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien, épistémologue et essayiste. Professeur émérite de l’Université de Nice. Directeur des collections scientifiques au Seuil, et de la revue Alliage (culture, science, technique). Auteur de nombreux articles de recherches en physique théorique et en philosophie des sciences, ainsi que de plusieurs essais sur la place et le rôle de la science dans la culture (et réciproquement). A récemment publié La Science (n’)e(s)t pas l’art, Hermann (2010), Le grand écart (la science entre technique et culture), Manucius (2012), La Science expliquée à mes petits-enfants, Seuil (2016), Le Tube à essais (Effervesciences), Seuil (2020).

  La communication scientifique : un ruban de Möbius ?

« L’homme ne peut jouir de ce qu’il sait qu’autant qu’il peut le communiquer à quelqu’un. (…) Il ne nous semble savoir quelque chose et en être certains, que lorsque nous avons convaincu de sa vérité tous ceux par lesquels nous pouvons parvenir à nous faire écouter. » Giacomo Casanova, L’Icosaméron (1788) La « communication scientifique » est usuellement pensée à sens unique : des détenteurs du savoir vers ceux qui en sont privés. Or ces deux catégories sont dépourvues de pertinence : les premiers ne savent que peu de choses et les seconds en savent beaucoup. La société n’est pas divisée en savants d’un côté et ignorants de l’autre. Pour que l’idée de communication fasse sens, il est indispensable que les scientifiques, non seulement parlent aux profanes, mais surtout, et d’abord, les écoutent. La médiation, pour remplir sa fonction, doit être réciproque et fonctionner sur le mode de l’échange, voire de la confrontation. C’est que deux questions me semblent inséparables : — peut-on produire du savoir sans le partager ? — peut-on diffuser le savoir sans en produire ? En d’autres termes : — peut-on chercher sans enseigner, vulgariser, etc. ? * — peut-on vulgariser sans avoir au moins tâter de la recherche ? Autrement dit, production et transmission de la connaissance scientifique ne devraient plus être pensées comme séparées. Et pas même comme deux faces d’une même réalité. La science elle-même, après tout, nous a montré l’existence de figures à une seule face : le ruban de Möbius, dont on parcourt continûment la surface, sans avoir à passer d’un côté à l’autre, offre une métaphore utile de ce que serait une science bien comprise, où rien ne séparerait la création et la diffusion du savoir. * Je témoignerais volontiers de mon expérience personnelle, selon laquelle nombre de mes travaux de recherche (réussis) sont nés de mes expériences pédagogiques (ratées).

Lionel Maillot, Laboratoire CIMEOS Dijon, France

Lionel Maillot est Directeur du Réseau des Experimentarium (programme de formations de doctorants et de rencontres entre chercheurs et différents publics cf. http://www.experimentarium.fr). Il est également Manager Scientifique de la Nuit Européenne des Chercheurs en France depuis 2013. Lionel Maillot est chercheur en Sciences de l’Information et de la Communication associé au CIMEOS (Université de Bourgogne). Ses travaux portent sur la vulgarisation scientifique. Il s’intéresse à l’engagement des chercheurs dans des pratiques de rencontres avec les publics : quels peuvent être les situations, facteurs, parcours qui amènent des chercheurs à communiquer ? Il a également consacré une importante partie de sa thèse (soutenue en 2018) à l’étude des effets de ces pratiques de communication sur le chercheur lui-même. Il a décelé et analysé des dynamiques de réconfort et remotivation dans certains processus de vulgarisation pour de jeunes chercheurs.

Fujun Ren, CAST, Chine

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