Les Rendez-vous de Science&You

Cycle de conférences "Epistémologie et communication scientifique" - mars - juin 2022

Les Archives Henri-Poincaré et Science&You mettent en place en 2022 un cycle de conférences d'épistémologues, historiens, philosophes, sociologues, à destination des professionnels de la communication scientifique. Le but de ce cycle, qui entre dans le cadre des rendez-vous de Science & You, est d'initier un dialogue entre les deux communautés, confronter des manières de penser, parler de, représenter les sciences.

4 séances sont prévues pour le 1er semestre 2022 :

  • Mathias Girel (École Normale Supérieure, Paris), "Science et désinformation, quelques repères conceptuels" : mercredi 23 mars à 14h 
  • Vincent Israel-Jost (Labex Distalz, CESP/Inserm/Paris-Saclay), "Regard épistémologique sur la controverse de l'hydroxychloroquine : la notion de preuve en question" : jeudi 28 avril, à 14h 
  • Arnaud Saint-Martin (Centre européen de sociologie et de science politique, Paris) et Adrien Kurek (Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay), "Communiquer l'intérêt pour l'espace : arguments, figures imposées et idéologies" : mardi 24 mai à 14h 
  • Teresa Branch-Smith (Institut Jean-Nicod, Paris), "Une histoire des valeurs dans la communication scientifique - 1950 à aujourd’hui" : jeudi 30 juin à 14h 

Les conférences auront lieu à Nancy, sur le Campus Lettres et Sciences Humaines, salle G04, et pourront être suivies à distance. L'inscription est obligatoire, en remplissant ce formulaire.

  • Mathias Girel (École Normale Supérieure, Paris), "Science et désinformation, quelques repères conceptuels" : mercredi 23 mars à 14h

Dans cette intervention, je reviendrai sur la notion de « désinformation », appliquée aux sciences, en relation avec la thématique de la manipulation de l’opinion. Ces termes fréquents, et qui le sont peut-être plus encore depuis le début de la pandémie, recouvrent en fait des processus de natures très diverses, et je tenterai de proposer une esquisse de typologie de ces pathologies de l’information, à la lumière des recherches que j’ai pu mener sur la « production de l’ignorance », sur le complotisme, sur la thématique de la post-vérité enfin. En complément de cette analyse conceptuelle, je proposerai à titre d’illustration une analyse des situations dans lesquelles, face à la pandémie, l’information devient, selon certains, un véritable paramètre sanitaire.

  • Vincent Israel-Jost (Labex Distalz, CESP/Inserm/Paris-Saclay), "Regard épistémologique sur la controverse de l'hydroxychloroquine : la notion de preuve en question" : jeudi 28 avril, à 14h

Lors de la controverse publique sur l'hydroxychloroquine (HCQ) qui a marqué le début de la crise covid, chacun a été amené à s'interroger sur les éléments en faveur ou non de l'emploi de l'HCQ contre le covid-19, à en évaluer la vraisemblance et la pertinence, ainsi que la fiabilité des sources d'information, le tout en tentant de s'abstraire d'une situation tendue et angoissante. Par cette exposition aux vérités et contre-vérités, aux divers avis d'experts et contre-experts, aux pétitions en faveur ou contre l'HCQ et aux avis rapidement très divergents des uns et des autres, ce sont des questions profondes et difficiles qui ont émergé : la vérité est-elle dans un camp ou dans l'autre – ou bien est-elle simplement inaccessible pour le moment ? Avec ces contradictions, faut-il accorder plus de crédit à l'expert (soi-disant) le plus qualifié ? Cette intervention se propose d'explorer la notion de preuve telle qu'elle se présente pour le grand public. Autrement dit, il ne s'agit pas ici de s'interroger sur ce qui fait preuve en science pour les scientifiques, mais de prendre le point de vue du grand public. Sur quoi le grand public, lorsqu'il est concerné par une question sur laquelle les avis divergent, devrait-il fonder son avis ?

  • Arnaud Saint-Martin (Centre européen de sociologie et de science politique, Paris) et Adrien Kurek (Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay), "Communiquer l’intérêt pour l’espace : arguments, figures imposées et idéologies" : mardi 24 mai à 14h

Cet exposé propose de mettre en évidence les ressorts et les enjeux de la communication de l’intérêt pour les activités spatiales. Loin d’être acquise, notamment parce qu’elle consomme des ressources budgétaires aux montants non anecdotiques, la « passion de l’aventure spatiale » – définition déjà située, mais ancrée culturellement – exige des agences spatiales civiles un effort souvent significatif de communication à l’adresse d’une variété d’audiences et de publics. L’objectif est de justifier la dépense et d’expliquer en quoi le spatial revêt une utilité sur Terre. Cette utilité peut relever de la science, de la recherche technologique, de l’intérêt marchand, du soft power, de la défense, etc., et toute la difficulté est d’articuler ces différents – et possiblement divergents – registres de justification. Cette problématique n’est certes pas récente, car depuis l’aube de « l’âge spatial », dans les années 50, les porte-parole et responsables des agences spatiales, à commencer par la NASA aux États-Unis, étaient déjà enjoints par leurs tutelles gouvernementales de rendre des comptes. Il est néanmoins intéressant de prolonger l’enquête sur un terrain plus contemporain, à un moment où certains développements de l’astronautique suscitent des débats nourris dans l’espace public (privatisation de l’exploitation des ressources spatiales, tourisme spatial, militarisation, etc.). Nous documenterons ces évolutions sur la base d’une recherche en cours portant sur les techniques et stratégies de communication mobilisées dans les agences spatiales et l’industrie, en particulier le recours aux réseaux sociaux numériques. La communication est, comme on le constatera, un analyseur particulièrement utile de l’insertion et du positionnement socio-politique des organisations spatiales.

  • Teresa Branch-Smith (Institut Jean-Nicod, Paris), "Une histoire des valeurs dans la communication scientifique - 1950 à aujourd’hui" : jeudi 30 juin à 14h

Le consensus général parmi les philosophes est que les valeurs jouent un rôle essentiel dans la recherche scientifique. Le nouveau problème de démarcation consiste à déterminer quelles valeurs jouent un rôle légitime ou illégitime dans la science. Cependant, redéfinir la frontière entre les valeurs acceptables et inappropriées ne permet pas d'aborder la manière dont l'idéal dominant pour la science - the Value-Free Ideal (VFI) - a été imbriqué dans les structures institutionnelles qui soutiennent la science, comme la communication scientifique. Au début de la guerre froide, les progrès de la science et de la technologie étaient de plus en plus considérés comme incompréhensibles pour les profanes, mais on pensait également que ces derniers devaient avoir une connaissance de base de la science. Il en a résulté une culture scientifique cultivée par le biais du modèle du déficit, un modèle de communication unidirectionnel qui, selon moi, minimise les valeurs de la science. Bien que les modèles de communication scientifique aient évolué au-delà du modèle du déficit, la plupart d'entre eux continuent à supposer que le public présente un déficit de connaissances, d'attitudes ou de compréhension et ne parvient pas à articuler les valeurs de la science. En réponse à cela, je présenterai un outil de contextualisation “value-conscious" appelé KAUVIS (Key Aspects for Understanding Values in Science) pour décrire la science comme l'entreprise riche en valeurs qu'elle est.